Comme le dit l'ex-sommelier du Bristol aujourd'hui co-gérant du très estimable restaurant "Vantre" à Paris, "il n'y a pas qu'à Bordeaux ou en Bourgogne qu'on fait de bons et grands vins".
A "Dire le Vin", nous en sommes convaincus depuis longtemps et nous l'avons prouvé à nos amis dégustateurs en organisant deux soirées consacrées aux vins de Savoie.
Pour l'échauffement des papilles, nous avons commencé par une molette (vin de Seyssel 2015), cépage autochtone, de modeste réputation. Mais pas n'importe laquelle de molette, celle du domaine de Vens-le-Haut, une création de Georges Siegenthaler, qui pendant une douzaine d'années a produit des micro-cuvées, pour son seul plaisir et celui des clients privilégiés qui pouvaient se les procurer. Hélas, l'aventure a pris fin.
Nous avons continué avec une jacquère, le cépage le plus répandu en Savoie, à l'origine de vins qui ne donnent pas toujours une image favorable de la production savoyarde, surtout dans les bars d'altitude. Et pourtant, il y a une flopée de vignerons qui savent en tirer des jus réjouissants, désaltérants et appétissants. Comme Annick et Pascal Quenard qui élaborent un chignin (millésime 2016) vieilles vignes, la cuvée "1903" qui tient son nom de la date où ont té plantées les vignes de la parcelle.
Après deux blancs (70 % de la production vinicole savoyarde), nous avons changé de couleur avec une mondeuse 2013 du domaine Genoux (la cuvée porte le nom des coordonnées de la percelle : 45° N, 6° E).
L'échauffement terminé, il fallait une transition pour passer au travail sérieux. Elle se fit avec un effervescent de Seyssel, le Royal 2011 brut des caves Lambert. Cet assemblage de molette (75 %) et d'altesse est remarquable par la finesse de ses bulles et sa fraîcheur aromatique. Bien des champagnes peuvent aller se rhabiller devant une telle pépite.
La première rencontre se fit autour de caillasse de Savoie (filet de porc séché). Entre un chignin Bergeron 2016 (cuvée "Les Filles") de Gilles Berlioz (domaine partagé) et une mondeuse Saint-Jean-de-la-Porte 2016 de Julien Viana (Cellier de la Baratterie). Les dégustateurs ont alors compris qu'ont était monté en gamme et que l'ascension vers les sommets de la Savoie avait commencé.
La deuxième rencontre eût lieu autour de diots (saucisses savoyardes) et de crozets (petits morceaux de pâtes carrées à base de blé et de sarrazin). Ses participants, la cuvée "Le Feu" en 2015, œuvre de Dominique Belluard et une mondeuse 2004 (vin de pays d'Allobrogie) de Michel Grisard. Le gringet (cépage à l'origine du vin de Dominique Belluard, élaboré sur la commune d'Ayze) a mis le feu. La mondeuse a démontré qu'elle pouvait être à l'origine de très grands vins.
Avec un beaufort d'été (l'été 2016), nous avons convoqué une roussette de Savoie 2015, élaborée à Frangy par Florent Héritier. Ce jeune vigneron (à mi-temps, il ne possède que deux hectares) élabore une cuvée "Altessema" grandissime.
Enfin avec un gâteau de Savoie et une crème au chocolat, la cuvée "Vertigo" en 2010, un chignin bergeron de Louis Magnin a mis fin aux débats. Un bergeron étonnant par ses 27 grammes de sucres résiduels, mais classieux et bienvenu à la fin de ces soirées de travail intense.
Le "jury" a attribué deux palmes d'or ex-aequo : "Les Filles" et "Le Feu". Gérard de Nerval n'était pourtant pas présent. De nombreux prix ont été accordés, notamment aux mondeuses de Grisard et de Viana, à l'altesse d'Héritier, au Royal brut de Lambert et au Vertigo de Magnin.
La caillasse, les diots, les crozets et le beaufort provenaient de la coopérative du Beaufortin (le lien est en bas de page). Il y a notamment une boutique à Paris, rue Pierre Corneille.