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31 mars 2020 2 31 /03 /mars /2020 15:43

Injustement méprisé, tout juste bon à enrichir quelques assemblages, injustement vilipendé, accusé de tous les déboires économiques de la viticulture languedocienne, ne voit-il pas qu’une fois de plus, il est victime, cette fois-ci du Covid-19.

« Dire le Vin » avait programmé deux soirées de réhabilitation du carignan. Seule la première a pu se tenir, l’appel au confinement étant intervenu entre les deux.

Plus de 220 000 hectares en 1968 et bien plus avant, il ne reste aujourd’hui qu’à peine 30 000 hectares de carignan, pour l’essentiel, dans le Languedoc, le Roussillon, la Provence, le sud de la vallée du Rhône.

Ce sont les moines qui, au XIIème siècle, ont fait franchir les Pyrénées à ce cépage d’origine aragonaise.

Très productif, quand il est jeune et planté en plaine, on l’a fait « pisser » hardi petit, les rendements pouvaient dépasser 200 hectolitres par hectares. Mais tout ça, c’est du passé et fort heureusement, de vieux carignans, conduits par des femmes et des hommes respectueux de la nature et de leur travail, élaborent des cuvées 100 % carignan qui sont des régals de gourmandise, voire des vins de gastronomie. Le compte-rendu de cette dégustation unique du 10 mars devrait en témoigner.

Nous avons commencé par un carignan blanc, une mutation du carignan gris, lui-même mutation du carignan : un Coteaux de Béziers 2018, du domaine d’Emile et Rose, repris récemment par Anne-Laure et Marc Royo. Issu de vignes centenaires, élevé pour partie en amphores, le vin a séduit par sa fraîcheur et sa gourmandise.

Les papilles des dégustateurs étant fin prêtes, nous nous sommes livrés à une expérience familiale.

Nous avons goûté successivement deux Côtes catalanes issues des mêmes vignes, du même domaine. Le premier vin du millésime 2016, le second du millésime 2017. Sauf qu’entre temps le domaine est passé du père au fils et qu’il a changé de nom. Le père Paul Milhe-Poutigon (domaine Els Barbats) a vinifié le 2016. Le fils Baptiste (Clos Mané) a vinifié le 2017. Il n’était pas question de se livrer à des comparaisons hors de propos, le seul paramètre stable dans l’affaire étant la nature des sols et sous-sols. Toujours est-il que les deux vins, chacun avec leur personnalité ont rendu un hommage respectable au carignan. Les vignes se trouvent dans la région des Aspres, sur les contreforts du Canigou.

Retour dans l’Hérault avec un IGP Pays de l’Hérault 2017, la cuvée « Le Pigeonnier » de Xavier

Braujou à Aniane (domaine La Terrasse d’Elise). Rencontre avec le carignan en majesté, petits rendements (entre 20 et 25 hectolitres par hectare), élevages longs en cuves et vieux fûts, et au résultat, finesse, élégance et suavité.

Après le quatrième vin, on peut entendre le gargouillis de quelques estomacs qui implorent du solide. Aussi nous servîmes des ravioles au foie gras sur une fondue de poireaux et pour « faire glisser », nous partîmes dans le Var, plus précisément chez Jean-Christophe Comor (domaine Les Terres Promises) avec sa cuvée « Analepse », encore un carignan blanc, étiqueté Vin de pays de la Sainte Baume 2017. Ce vin, lui aussi issu de vieilles vignes, après une longue macération pelliculaire et une vinification en demi-muid a été élevé neuf mois. Ce sera une des vedettes de la soirée.

Avec un tajine de mouton, nous proposâmes deux vins :

  • Un Saint-Chinian 2016, la cuvée « Carissimo » de Xavier de Franssu (Mas de Cynanque). Les rendements sont des plus faibles (15 hl/ha), les vieux carignans ont eu tout le loisir d’exprimer le calcaire du plateau. Au top !
  • Un Côtes catalanes 2016 de Mickaël Georget (domaine Le Temps Retrouvé à Laroque des Albères). Une vieille parcelle de carignan (les plus vieux ceps ont été plantés en 1884), bichonnée en biodynamie par Mickaël, son cheval Goliath, ses moutons, ses poules et ses abeilles. Un vrai coup de cœur pour ce vin nature !.

Le fromage est un chèvre (une couronne de Vic-Bilh) auquel on a associé « Carignator », un Vin de France 2012 de Berlou, au nord-est de Saint-Chinian. Là encore les rendements sont faibles (20 hl/ha), le vigneron, Jean-Marie Rimbert ayant sélectionné les plus vieilles vignes sur trois parcelles.

Cette cuvée emblématique du domaine a été baptisée « Le facétieux » par son géniteur. Un facétieux qui nous a comblés d’aise.

Enfin le dessert (crumble noisettes, abricots secs) a appelé un OVNI, un carignan sucré. Il s’agit d’un Vin de France 2015, domaine Sainte-Croix, cuvée La part des Anges, série électron libre, œuvre de Jon et Elizabeth Bowen vignerons à Fraïssé-des-Corbières.

C’est un couple d’anglais qui a travaillé partout dans le monde avant de s’installer dans un village des Hautes Corbières, à la frontière entre le Languedoc et le Roussillon. Leur domaine de 13 ha à la géologie complexe (calcaires bleus, argiles quartzeux, schistes vert et pourpre, …) est planté de vignes très anciennes et de cépages locaux tels l’aramon ou le terret gris.

Ce vin est issu d’une vieille vigne de carignan plantée en 1905 sur un sol calcaire. Après passerillage d’une partie des raisins, la totalité de la vendange est mise en fût ouvert puis foulée. La macération dure plus de trois mois. La fermentation qui démarre avec des levures indigènes s’arrête naturellement laissant 65 g de sucres résiduels. Le vin est élevé pendant 12 mois dans de vieux fûts pour les trois quarts, le reste en bonbonnes de verre.

Le traditionnel tour de table final a plébiscité, outre ce dernier vin assez hors norme, Carissimo, Analepse et Carignator. Plus généralement, il a confirmé que le carignan, pourvu qu’il ait un âge raisonnable et qu’il soit entre de bonnes mains, méritait mieux que de jouer les utilités.

CARIGNAN
CARIGNAN
CARIGNAN
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Informations importantes

Qu'y a-t-il de nouveau ce mois-ci, sur le catalogue de "Dire le Vin" :

- des Chablis du domaine Gérard Duplessis dont un premier cru (Montée de Tonnerre) et un grand cru (Les Clos)

- des vins étrangers (Australie, Nouvelle Zélande, ...) en petites quantités

- etc

 

On peut obtenir tout le catalogue en envoyant un courriel à

direlevin@yahoo.fr

 

 

 

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